Publié le 12 novembre 2013
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Quand l’IFRAP frappe (1er épisode)

La fondation IFRAP, qui se définit comme « un think tank dédié à l'analyse des politiques publiques, laboratoire d'idées innovantes » (et qui est en pratique un organisme défendant les idées libérales), vient d'épingler la Ville de Paris dans un rapport intitulé “Paris, la gestion de la Ville en question”. Dans la première partie de ce rapport consacrée à “La Ville, ses agents et ses satellites” - que le Syndicat UNSA Attachés Paris analyse dans le présent article - la Fondation passe au crible les principaux postes de dépenses... sans trop de discernement.

L'IFRAP examine fort attentivement dans son rapport  les principaux postes de dépenses et, lapsus, cite la Caisse d'Action Sociale de la Ville de Paris (CASVP) pour dénoncer l'augmentation des aides sociales « plus généreuses à Paris que dans le reste de la France ». Elle illustre son affirmation par un chiffre : « le nombre d'aides facultatives recensées est de 29, un nombre bien supérieur à celles en place à Lyon et à Marseille ».

Autre poste pointé du doigt : les dépenses de personnel. Mentionnant une évolution des effectifs de 20 % entre 2000 et 2012, en particulier dans les secteurs de « la petite enfance, l'action sociale, la culture, la surveillance et la sécurité », l'IFRAP précise que cette augmentation s'entend « hors transferts de compétences et changements de périmètre » et s'inquiète que la tendance puisse se poursuivre avec « l'annonce du Maire de Paris du recrutement de 1500 intervenants pour l'application de la réforme des rythmes scolaires ». La Fondation évoque - à juste titre - « les suppressions de postes » (ceux que la DRH demande aux Directions de restituer régulièrement, avec la surcharge de travail que cela occasionne du fait de l'absence de réflexion sur les postes qui pourraient être efficacement redéployés, et pas nécessairement celui de Marcel qui part à la retraite dans deux mois). Mais là où le bât blesse, c'est qu'elle reprend une expression du rapport “Effectifs et gestion des ressources humaines” de la mission d'information et d'évaluation (MIE) composée de quinze conseillers de Paris désignés à la représentation proportionnelle des groupes politiques (donc majoritairement acquis à la Municipalité en place) selon qui 1800 suppressions ont permis de « mettre en place des organisations performantes pour son administration ». Et la MIE de préconiser, entre autres, « la centralisation de certaines fonctions », dont chacun peut mesurer aujourd'hui l'inefficacité, ne serait-ce que sur la centralisation des achats (avec un dernier exemple concernant les équipements de protection individuelles alors que la spécificité de certains métiers justifierait, pour la sécurité des personnels, que les Directions conservent la main) ou la fonction bâtiment (la fuite de la douche qui pisse l'eau depuis des mois et que personne ne vient réparer : économies ? développement durable ?).

Outre l'augmentation des effectifs, l'IFRAP analyse également les charges de personnel et conclue à une augmentation des dépenses de 46 % entre 2001 et 2012, soit « des charges de personnel bien plus élevées pour Paris que pour les autres grandes villes de France, 1/3 de plus qu'à Lyon et Marseille ». Et d'énumérer pour compléter le tableau, primes, irrégularités dans les attributions de postes (?!), statut particulier, sans oublier l'absentéisme. Plus précisément :

1) les primes La Fondation fustige l'inévitable prime départementale « dénuée de tous liens avec la réalisation de travaux pour le compte du Département » que la Ville traîne comme un boulet, ne manquant pas de rappeler une information plus récente mais tout aussi insoutenable : le montant de la prime de la Secrétaire Générale (nous vous l'épargnerons). Mais l'IFRAP dénonce-t-elle l'indemnité d'exercice de mission des Préfectures versée aux personnels administratifs de la Fonction publique territoriale en dehors de toute activité pour le compte de l'État ? L'équité des analyses critiques de l'IFRAP a ses limites. Bizarrement, l'IFRAP dégaîne aussi sur l'IAT, mais il s'agit là de dénoncer l'automaticité de la hausse et la « quasi impossibilité de la baisser, même marginalement ». Pourquoi l'IAT, dont les montants n'atteignent pas des sommets, plus que les autres primes, mystère. La rigueur des analyses de l'IFRAP a - encore - ses limites.

2) l'irrégularité dans l'embauche des collaborateurs de Cabinet La Fondation ne s'étend pas sur le sujet mais précise que cela a son importance car « les rémunérations [ des “colcab” ] sont parmi les plus élevées de la Fonction publique ».

3) le statut particulier de la Ville de Paris L'IFRAP appuie son analyse sur un rapport de la Chambre régionale des comptes pour qui le statut parisien « ne se justifie plus 25 ans après la création de la Fonction publique territoriale » et entraîne, du fait du choix de l'homologie avec les administrations centrales de l'État pour les « postes administratifs supérieurs » une rémunération brute de près de 30% supérieure. C'est oublier que la Fonction publique territoriale propose souvent, pour être attractive,  des primes au plafond à ses nouvelles recrues (alors que peu de cadres municipaux l'atteignent à Paris) et surtout des possibilités d'avancement de grade et des promotions internes avec des ratios promus / promouvables largement supérieurs à ceux de la Ville de Paris, avec un effet sur la carrière à long terme et donc sur le niveau de retraite.