Publié le 2 octobre 2018
Loi Elan: un texte de compromis - PDF

Loi Elan: un texte de compromis Après des mois de débats concernant la loi Elan portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, la commission mixte paritaire a enfin rédigé un texte de compromis. Comme souvent c’est une véritable usine à gaz qui va voir le jour. Il faudra plusieurs mois si ce n’est des années pour rendre applicables ses 270 articles. Gageons que certains seront retoqués par une réforme ultérieure sans avoir connu le moindre début de mise en œuvre.

Selon l’exécutif cette loi devrait permettre de construire plus, mieux et moins cher.

Plusieurs grandes lignes se détachent :

- Création d’un bail « mobilité » pour des logements meublés. Réservés aux jeunes actifs, cette nouvelle mesure semble en faveur des propriétaires. En effet le bail ne pourra pas être supérieur à dix mois et ne sera pas renouvelable. Le locataire ne pourra réclamer au bailleur de mettre le logement aux normes.

- Retour de l’encadrement des loyers dans les zones tendues. Rappelons que l’arrêté de la Maire de Paris prévoyant cette mesure avait été annulé par la justice au mois de novembre 2017.

- Logements sociaux : les parlementaires ont abandonné l’idée que des groupes d’investissements privés puissent acquérir la nue-propriété de logements sociaux tout en laissant l’usufruit locatif à des bailleurs pendant quinze ans. A l’issue de cette période ils auraient pu revendre ou louer ces immeubles sur le marché libre. Cette mesure risquait de créer des ghettos de logements sociaux peu rentables rendant la mixité sociale de plus en plus aléatoire. Cependant, exceptées dans les zones en manque de logements sociaux, les bailleurs volontaires pourront se passer de l’accord du Maire pour céder une partie de leur parc. Les organismes gestionnaires de logements sociaux jugés trop nombreux seront contraints de se regrouper autour d’un parc d’au moins 12 000 logements. Pour des raisons historiques, mais surtout politique, un certain nombre de communes en particulier en ile de France ont souhaité disposer de « leur » organisme de logement social.

- Coups de canif dans la loi SRU : d’ici à 2025 les villes de plus de 3 500 habitants doivent compter au moins 25% de logements sociaux mais les villes qui entrent dans le dispositif parce que leur population a augmenté bénéficieront de quinze années supplémentaires pour atteindre cet objectif. En outre, seront désormais comptabilisés dans ces 25% des logements privés acquis par des ménages bénéficiant de prêt d’accession sociale.

- Retour en arrière pour l’accessibilité des logements aux handicapés: seulement 20% des logements neufs seront construits pour être accessibles aux personnes à mobilité réduite contre 100% depuis 2005. Le reste de la production devra être adaptable (notion très vague pouvant donner lieu à de multiples interprétations….)

- Lutte contre les marchands de sommeil : le texte rend possible la confiscation des immeubles ou maisons possédés par des marchands de sommeil. Il prévoit l’empêchement de redevenir propriétaires pendant dix ans au lieu de cinq actuellement ainsi qu’une « présomption de revenus permettant de leur faire payer des amendes sans qu’ils puissent se déclarer insolvables ».

- Raccourcissement du délai d’intervention des juges lors de recours contre les opérations immobilières rendant plus difficile le dépôt de plainte successives sur un même projet (cf notre article concernant des condamnations pour recours abusifs)

- Limiter l’extension des locations par le biais de plateforme de type AirBnB : les villes de plus de 200 000 habitants pourront décider de réglementer les plates formes de location meublés. La limitation du nombre de nuitées et l’immatriculation des bailleurs sont censés exclure les professionnels de ce marché.

- Rendre consultatif l’avis de l’architecte des Bâtiments de France (ABF) dans le cadre de la délivrance des autorisations d’urbanisme notamment pour les opérations de traitement de l’habitat indigne dans les secteurs protégés au titre du patrimoine ainsi que pour les projets d’installation d’antennes relais de radiotéléphonie mobile, compte tenu des objectifs ambitieux de couverture numérique du territoire (et tant pis pour les personnes électro sensibles). Le traitement des recours formulés par l’autorité compétente devant le préfet contre l’avis de l’ABF est simplifié.

- Donner à toute collectivité ou groupement de collectivités la possibilité d’avoir recours à un prestataire privé pour assurer des missions liées à l’instruction des demandes de permis de construire ou de déclaration préalable. Un décret en Conseil d’État devra fixer les conditions dans lesquelles pourront s’exercer ces missions.

Rappelons qu’à la Mairie de Paris cette mission est effectuée par plusieurs dizaines d’agents. Quel sera leur avenir? Encore des redéploiements de postes en perspective.