Publié le 4 septembre 2018
Loi de 1905 : le droit de préemption ne peut être exercé en vue de l’extension d’un édifice cultuel - PDF

Loi de 1905 : le droit de préemption ne peut être exercé en vue de l’extension d’un édifice cultuel La décision de préemption d’un terrain afin de permettre, non des travaux de réparation, mais la construction d’un édifice cultuel et ses dépendances constitue une contribution indirecte à la construction d’un tel édifice.

Par une décision en date du 25 janvier 2017 la commune de Montreuil a décidé de préempter un terrain attenant à la mosquée de la rue de Rosny, afin de permettre l’extension de cet édifice cultuel, d’agrandir son parking et de créer des salles de cours et de conférences ainsi qu’une bibliothèque destinée à l’enseignement religieux.

Par un arrêt en date du 1er février 2018 le Tribunal Administratif de Montreuil a annulé cette décision.

En effet, les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme encadrent l’exercice du droit de préemption par une collectivité locale en lui imposant de l’utiliser pour des opérations d’aménagement relevant de sa compétence. Parmi ces opérations figurent la réalisation d’un équipement collectif ou d’un établissement d’enseignement supérieur.

Or, l’extension d’un édifice cultuel et la réalisation d’un parking réservé aux pratiquants ne relèvent pas de la compétence d’une commune. De plus, l’instruction du dossier n’a pas permis de constater que les salles de cours et de conférence ou la bibliothèque étaient prévues pour être affectées à un établissement d’enseignement supérieur.

La décision de préemption n’est pas conforme à la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat qui précise que la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. Mais qui prévoit expressément que la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.

Or, les travaux envisagés n’ont pas la nature de travaux de réparation d’un édifice cultuel mais doivent, en raison de leur ampleur, être assimilés à la construction d’un édifice cultuel et de ses dépendances, de sorte que la décision de préemption de la commune de Montreuil, qui engage ses finances, constitue une contribution indirecte à la construction d’un tel édifice.

Quelques exceptions demeurent cependant quant à l’application de ce texte législatif. En effet, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat a été adoptée en 1905, période pendant laquelle les départements d’Alsace-Moselle étaient annexés par l’empire allemand, à la suite de la défaite de 1870 et du traité de Francfort du 10 mars 1871. En 1918, quand l’Alsace-Moselle redevient française, la loi de 1905 n’y est pas appliquée. L’Alsace-Moselle conserve son droit local, ce qui est confirmé par la loi du 1er juin 1924.

Le statut des cultes dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est largement issu du régime concordataire mis en place en 1802, modifié par des textes allemands notamment sur le traitement et les pensions des ministres du culte, de leurs veuves et de leurs orphelins.

Comme sous le Concordat, quatre cultes sont reconnus : le culte catholique, les cultes protestants luthérien et réformé, le culte israélite. Ces cultes sont dotés, pour l’exercice de leur mission, d’organismes ayant la personnalité morale, les établissements publics du culte. L’Eglise catholique dispose de trois catégories d’établissement : les fabriques d’église dans chaque paroisse, les menses (épiscopale, capitulaire et curiale) et les séminaires. Les protestants sont organisés en conseils presbytéraux dans chaque paroisse et en consistoires regroupant plusieurs paroisses. Le culte israélite est organisé en consistoires départementaux. Ces établissements publics sont sous la tutelle de l’Etat, notamment pour les opérations d’acquisition à titre onéreux et sur la vente de biens immeubles, de rentes ou valeurs garanties par l’Etat qu’ils réalisent ainsi que sur les dons et legs qui leur sont consentis.

La définition des circonscriptions territoriales de chacun de ces cultes et la nomination de certains personnels du culte sont soumises à l’autorisation du ministre de l’intérieur. Le Bureau des cultes rattaché à ce ministère intervient dans la désignation de ces personnels qu’il rémunère sur le budget de l’Etat.

En outre, un enseignement religieux est dispensé dans les écoles publiques, ce qui est interdit dans les autres départements français.

En Alsace-Moselle, se pose le problème du statut de l’islam qui n’est pas un culte reconnu mais qui compte environ 100 000 fidèles dans ces trois départements. La commission présidée par Jean-Pierre Machelon sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics a notamment proposé d’engager un processus de reconnaissance du culte musulman en commençant par l’introduction de l’enseignement religieux musulman dans les établissements secondaires et par la mise en place d’un système de formation des personnels religieux.

En 2012, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité : l’Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité contestait la constitutionnalité des dispositions relatives au traitement des pasteurs des églises consistoriales en Alsace-Moselle. Dans sa décision du 21 février 2013, le Conseil a jugé que le droit local en vigueur en Alsace-Moselle était conforme à la Constitution. Le Conseil a considéré que la proclamation du caractère laïque de la République dans la Constitution ne signifiait pas pour autant la remise en cause des dispositions applicables dans certaines parties du territoire de la République lors de l’entrée en vigueur de la Constitution.

Si l’application de la loi de 1905 a été étendue à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion à partir de 1911, la loi ne s’applique toujours pas en Guyane qui reste sous le régime de l’ordonnance royale de Charles X du 27 août 1828. Cette situation n’a pas changé quand la Guyane est devenue un département.

En Guyane, seul est reconnu le culte catholique. Les ministres du culte catholique sont des salariés du conseil général de Guyane. L’évêque a un statut d’agent de catégorie A, les 29 prêtres sont des agents de catégorie B. Dans une décision du 2 juin 2017, le Conseil constitutionnel a jugé que la rémunération des ministres du culte par la collectivité territoriale de Guyane était conforme à la Constitution.

Sont également appliqués les décrets-lois de 1939, dits décrets Mandel, qui permettent à toutes les sensibilités religieuses de bénéficier d’une aide publique. En effet, en raison de la non-application de la loi de 1905, le régime cultuel issu des décrets Mandel autorise un financement public du culte. Ces décrets créent une nouvelle catégorie de personne morale de droit public, le conseil d’administration des missions religieuses, pour gérer les biens de ces missions. Placés sous une étroite tutelle de l’Etat, ces conseils d’administration bénéficient d’avantages fiscaux.

Outre la Guyane, ces décrets-lois s’appliquent aussi dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution (Polynésie française, Wallis et Futuna, Saint Pierre et Miquelon) à l’exception de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, mais aussi en Nouvelle Calédonie et à Mayotte.