Publié le 15 janvier 2019
DGAFP : Thierry Le Goff  l’insubmersible - PDF

DGAFP : Thierry Le Goff l’insubmersible Fragilisé depuis mars 2018 par le lancement d’un processus de recrutement destiné à le remplacer, Thierry Le Goff, ex-professeur agrégé d’histoire-géographie passé par le concours interne de l’ENA et devenu par la suite DRH de l’éducation nationale puis de la Ville de Paris , patron de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), n’en finit plus de voir son bail prolongé.

Le gouvernement semble avoir fait le calcul qu’indépendamment du casse-tête autour du profil, nommer un nouveau DGAFP, en ce moment très polémique, ne paraissait pas un choix des plus propices, et qu’il convenait plutôt de stabiliser la direction pendant l’écriture du projet de loi “Fonction publique”.

Le projet de loi pourrait faire l’objet d’une présentation en Conseil des ministres fin mars ou début avril. De quoi laisser un peu de temps pour mettre en scène la dernière phase de la concertation avec les syndicats même si ces derniers ont parfaitement intégré que ce texte de libéralisation du cadre statutaire était déjà largement écrit.

Des changements vont quand même intervenir dans l’organigramme de la DGAFP. La numéro deux de la direction générale, la juriste Carine Soulay, en poste depuis trois ans, va en principe réintégrer, au 1er février et après avoir été libérée de ses fonctions en Conseil des ministres, son corps d’origine : le Conseil d’État.

La nomination en Conseil des ministres de son successeur à l’issue d’un cycle d’auditions revêtira notamment un enjeu, la nouvelle recrue sera-t-elle issue du Conseil d’État, comme c’est la tradition pour ce poste?

Le mouvement dans l’état-major de la DGAFP ne s’arrêtera pas là. L’un des deux postes de numéro trois (chef du service des parcours de carrière et des politiques salariale et sociales), gelé depuis mai dans l’attente de l’arrivée d’un nouveau directeur général, va être finalement pourvu. Vacant depuis le départ en mai de sa titulaire (Véronique Gronner), il a fait l’objet d’un avis de vacance publié le 21 décembre au Journal officiel.

Les deux postes devraient être pourvus d’ici fin février, si tout va bien. De quoi renforcer un peu l’état-major. Car cette situation fragilise l’autorité du directeur général et complique certaines décisions à prendre, même si les réformes (la grande et les autres, plus sectorielles) avancent malgré tout. Reste à savoir si ces deux prochaines nominations suffiront à enclencher une nouvelle dynamique et à donner un peu de souffle à la quatrième année du mandat de Thierry Le Goff, après une troisième pas vraiment confortable, pour employer un euphémisme.

À l’issue d’un premier processus d’auditions (par un comité composé de hauts fonctionnaires et chargé de donner un avis consultatif sur les candidats à tous les postes de directeurs d’administration centrale) en mars, le Premier ministre, Édouard Philippe, et le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin (les deux tutelles de cette direction interministérielle), se sont opposés sur le profil, le second poussant au recrutement d’un DRH d’une entreprise privée sans expérience du public.

Choix que le premier jugeait trop risqué. Dans le passé, le poste de DGAFP n’a jamais été occupé par un contractuel ni même par un fonctionnaire ayant travaillé dans le privé. Le Conseil d’État a longtemps accaparé le poste de directeur de la DGAFP, que l’un des siens, le jeune Roger Grégoire, avait inauguré en 1945 tout en mettant en œuvre le statut général des fonctionnaires. En 1998, la nomination à ce poste d’un ingénieur des Ponts et Chaussées par le gouvernement Jospin a ouvert une brèche, permettant, par la suite, la nomination de fonctionnaires d’un autre corps, celui des administrateurs civils, le Conseil d’État devant se contenter du poste de numéro deux.

Vingt ans plus tard, la nomination d’un DRH au profil 100 % privé aurait été synonyme de séisme culturel à l’échelle de la DGAFP, cœur du “réacteur” statutaire. En creux, c’est aussi l’ampleur de l’ouverture de la haute fonction publique qui se joue.

Après l’échec du premier cycle d’auditions pour ce poste, un second tour a été réalisé l’été dernier, avec un seul candidat auditionné et introduit à l’origine par Bercy : un profil public-privé. Matignon était visiblement prêt à laisser passer cette nomination, laquelle n’a pas abouti, sans que l’on ait vraiment compris pourquoi. Les raisons de ce revirement sont plurielles. Le candidat était notamment investi politiquement, sur le plan extraprofessionnel. Un engagement qui, par principe, gênait le gouvernement (le DGAFP est l’interlocuteur des syndicats) et que l’intéressé n’était pas forcément prêt à lâcher.

Alors que la réforme de la fonction publique va induire une stratégie de déconcentration et peut être sans doute aussi de nouvelles pratiques managériales, la réflexion sur le projet et le rôle de la DGAFP ne pourra faire l’économie d’une nouvelle impulsion.

Il ne faudrait pas attendre, encore une fois, la fin du quinquennat pour remettre l’ouvrage sur le métier.