Publié le 15 octobre 2019
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Contenu haineux: plus loin que le droit à l’oubli Alors que fin septembre Google avait obtenu que le droit à l’oubli restait limité au territoire de l’Union Européenne et ne s’appliquait pas au monde entier la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que la modération de contenus haineux doit s’étendre au-delà des frontières de l’UE.

A l'origine du litige, une députée écologiste autrichienne s'était plainte qu'un utilisateur de Facebook la brocarde sur le réseau social, en commentant un article de presse expliquant le soutien des Verts autrichiens à une mesure favorable aux réfugiés. Un internaute avait rédigé sur sa page personnelle un commentaire injurieux sous le lien vers l'article partagé faisant apparaître une photo de l'élue.

La députée, Eva Glawischnig-Piesczek, a estimé que l'atteinte à son honneur était d'autant plus importante que "cette contribution pouvait être consultée par chaque utilisateur de Facebook", dans le monde entier.

La CJUE a décidé de s'en tenir aux recommandations faites par l'avocat général Maciej Szpunar en juin dernier. Si l'article 15 de la directive européenne de 2000 sur le commerce électronique interdit toute obligation de surveillance généralisée, une modération active reste envisageable si elle est circonscrite à un objet et à une durée limitée.

«Le droit de l'Union n'empêche pas un fournisseur tel que Facebook d'être condamné à supprimer des commentaires identiques et, dans certaines circonstances, des commentaires équivalents précédemment déclarés illégaux», a déclaré la Cour dans un communiqué. «En outre, le droit de l'Union n'empêche pas une telle injonction de produire des effets dans le monde entier, dans le cadre du droit international applicable».

La décision à l’encontre de Facebook se limite aux décisions judiciaires et ne s’applique pas aux plaintes plus larges d’utilisateurs alléguant que certains contenus sont illégaux.

Facebook a déploré la décision, jugeant qu'elle «sape le principe de longue date selon lequel un pays n'a pas le droit d'imposer à un autre sa législation sur la liberté d'expression, selon un communiqué transmis à l'AFP. «Cela ouvre également la porte aux obligations imposées aux entreprises d’Internet de surveiller de manière proactive le contenu, puis d’interpréter si ce contenu est "équivalent" à un contenu qui a été jugé illégal», a déclaré la société. «Afin d’obtenir ce droit, les juridictions nationales devront énoncer des définitions très claires de ce que "identique" et "équivalent" signifient dans la pratique. Nous espérons que les tribunaux adopteront une approche proportionnée et mesurée, afin d’éviter d’avoir un effet dissuasif sur la liberté d’expression».

Le groupe de défense des droits numérique, Article 19, a soutenu Facebook, affirmant que cela pourrait amener les plateformes sociales à installer des filtres automatisés pour filtrer le contenu: «Cela créerait un dangereux précédent où les tribunaux d’un pays peuvent contrôler ce que les utilisateurs d’Internet d’un autre pays peuvent voir. Cela pourrait donner lieu à des abus, en particulier de la part de régimes ayant de piètres résultats en matière de droits de l'homme», a déclaré le directeur exécutif, Thomas Hughes.