Publié le 28 mai 2019
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À Saint-Denis, la dernière ferme maraîchère revit

La Ferme Saint Denis dernière exploitation maraichère du XIXème siècle encore en activité aux portes de Paris passe sous la bannière des fermes de Gally (situées au bout du grand canal du Château de Versailles) que les Franciliens adeptes des circuits courts, familiers du passé agricole ou maraîcher de la région, connaissent bien.

L'avenir de cet espace agricole iconoclaste, situé sur une ancienne dépendance de l'abbaye de Saint-Denis, entre plusieurs barres d'immeubles et à 500 mètres du métro, était en suspens. Exploitée pendant près d'un siècle par la famille Kersanté, qui en louait les terrains, la ferme produisait dans les années 1970 jusqu'à 500.000 salades par an et employait plus de 40 personnes. Menacée de disparition par divers projets immobiliers, elle a été rachetée par la municipalité en 1983.

Il y a deux ans, René Kersanté, devenu septuagénaire, a cessé son activité. La mairie de Saint-Denis a lancé un appel à projets pour relancer ces 3,7 hectares de champs. Deux projets ont été retenus. Celui sur 7000 mètres carrés du collectif artistiques Parti poétique, mêlant permaculture et événements culturels et celui sur 3 hectares de la société Les Fermes de Gally qui a signé un bail agricole de 25 ans et bénéficie d’une franchise de loyers. La ferme ne pouvant vivre que de la production maraichère une grande diversité d’activité sera déployée comme des animations et des ateliers de sensibilisation, des locations de salle aux entreprises, des formations pour des apprentis aux métiers du maraichage, de l’arboriculture et des paysages, des expositions sur le patrimoine maraicher.

La ferme produira des variétés locales comme les choux de Saint Denis, les oignons blancs de Paris, les laitues d’Aubervilliers ou le maïs doux, expérimenté récemment.

Petit retour historique

Les légumes sont cultivés dans la plaine de Saint-Denis depuis le XIIe siècle au moins. En raison de l’humidité naturelle des terres, cette zone est devenue au fil des siècles le jardin de Paris, fournissant plus de la moitié des légumes de la capitale en 1860. À partir du XVIIIe siècle, on la nomme Plaine des Vertus, sur la commune de La Courneuve aux côtés du pavé d’Amiens, site emblématique de la ferme urbaine de Saint-Denis. On y distingue les maraîchers, qui cultivent des légumes de saison et de contre-saison, sur couche et sous cloche et châssis, et des cultivateurs, qui cultivent sur de plus grandes surfaces avec une mécanisation accrue.

En 1912, on compte dans le département de la Seine 2 456 maraîchers, dont 10 % dans Paris intra-muros. Ils affluent tous les matins vers les Halles de Paris pour apporter leurs productions. Les 80 000 chevaux parisiens produisent 344 000 tonnes de fumier qui alimentent « les couches chaudes » des maraîchers. Les cloches de verre assurent la production en primeur de salades et légumes avec de très bons rendements.

L’éclat de la lune sur les 6 millions de cloches permet, en 1914, aux aviateurs allemands de repérer Paris, presque entièrement ceinturée de verre. Peu à peu, les châssis de verre remplacent les cloches, réduisant les besoins en main-d’œuvre.

Il ne reste, en 1959, que 626 maraîchers, dont seulement deux dans Paris intra-muros. Le développement des transports et la pression foncière les éloignent peu à peu de la ville et les conduisent à se spécialiser. Les cloches et les châssis sont remisés et la culture sur couches chaudes, faute de fumier, disparaît. La destruction des Halles Baltard, en 1969, sonne le glas d’un système qui a nourri Paris pendant cent cinquante ans.