Un nouveau concept : le droit souple
L'étude annuelle du Conseil d'État publiée le 2 octobre est consacrée au “droit souple”, c'est-à-dire à l'apparition lors des dernières années de recommandations, normes techniques, contrats-types, chartes, lignes directrices et autres codes de bonne conduite, qui constituent pour Jacky Richard, rapporteur général de l'étude, autant d'instruments juridiques ayant pour point commun de « ne pas obliger leurs destinataires » mais de contribuer « à orienter leur comportement ». Entre l'exhortation et le “droit dur”, un nouvel objet est en cours d'identification.
Qu'est-ce que le droit souple ?
Pour le Conseil d'État, il s'agit de la profusion constatée au cours des dernières années, tant de la part de l'État que des organismes privés, des recommandations de bonne pratique, normes techniques, chartes, lignes directrices. Celles-ci, pour la Haute Assemblée, « ont pour point commun de ne pas imposer d'obligations précises et exercent, dans une société complexe et incertaine où la régulation gagne en extension et en force, une fonction appréciée de leurs destinataires ».
D'où vient-il ?
Le rapporteur général de l'étude, Jacky Richard, répond sans détours à cette question lors d'un entretien avec La Gazette des Communes : « devenu trop bavard, trop technique, le droit dur est peu lisible, mal applicable et changeant ».
Quelles sont ses caractéristiques ?
Le Conseil d'État en distingue trois. Pour lui, le droit souple : - a pour objet de mobiliser ou d'orienter les comportements de ses destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion ; - ne crée pas par lui-même de droits ou d'obligations pour ses destinataires ; - présente, par son contenu et son mode d'élaboration, un degré de formalisation et de structuration qui l'apparente aux règles de droit (qualifiées par le Conseil d'État de « droit dur »).
À quoi sert-il ?
Pour Jacky Richard, le rôle qu'il joue dès à présent est très important : - il peut intervenir en substitution du droit dur lorsque le recours à ce dernier n'est pas réalisable ; - il accompagne le droit dur en élaborant les modalités techniques des orientations essentielles ; - il peut se présenter comme une alternative pérenne au droit dur, dans des domaines où celui-ci ne peut intervenir et où il permet une conciliation d'intérêts différents. « L'intérêt du droit souple réside ici : participer à l'amélioration du droit par une meilleure applicabilité ». « L'ambition est que le droit souple contribue pleinement à la politique de simplification des normes et de la qualité du droit ».
Pourquoi le Conseil d'État intervient-il ?
Il entend, d'une part, contribuer à la prise de conscience de la production et de l'utilisation croissantes du droit souple tant par les acteurs publics que par les entreprises privées, et, d'autre part, donner aux pouvoirs publics une doctrine et des outils pour l'action.
Quels sont les aspects positifs du droit souple ?
Jacky Richard répond à cette question de la manière suivante lors de son interview accordée à La Gazette des Communes : « Le droit est devenu extrêmement profus avec beaucoup de prescriptions, d'interdictions qui suscitent des problèmes d'application notamment par les collectivités territoriales. Le développement des instruments de droit souple permettront de redonner au droit dur sa vraie vocation de prescrire , ordonner, interdire et de renvoyer au droit souple les conditions de mise en œuvre ». « Le recours au droit souple permettra ainsi aux collectivités territoriales de voir mieux prises en compte leurs différences, leurs particularités liées aux territoires et aux populations (...). Le droit souple est la réponse au débat des collectivités territoriales sur l'adaptabilité de la norme » précise le rapporteur général.
Et ses dangers ?
Pour Jacky Richard, ils sont nombreux : - utilisation du droit souple pour contourner le droit dur ; - défaut de légitimité (« puisqu'il repose sur l'adhésion volontaire de ses destinataires, sa légitimité dépend étroitement de l'implication des parties prenantes concernées dans son élaboration laquelle doit se faire avec un minimum de transparence »). - manque de respect des champs de compétence ; - insécurité juridique, née de la difficulté de savoir si l'on est en présence de droit dur (créant des droits et des obligations) ou de droit souple.
> Lire le dossier du Conseil d'État sur le droit souple
