Quand le silence vaut acceptation… en théorie !
C'est l'histoire d'une bonne idée qui tourne court. En annonçant en mai 2013 que le silence de l'administration vaudra acceptation, François Hollande présente cette mesure comme une simplification des relations avec les usagers. Son Gouvernement parlera ensuite d' «.un important progrès pour les administrés.». Hélas ! La multiplication des exceptions à cette belle règle fait qu'elle n'est applicable en pratique que dans un cas sur trois au niveau de l'État . Et son extension le 12 novembre dernier aux collectivités territoriales n'améliorera pas les choses.
La loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les usagers a renversé le principe du silence des fonctionnaires, silence qui, s'il était gardé pendant plus de deux mois valait, aux termes de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000, décision de rejet de la demande. Ce bouleversement juridique, applicable à l'État et aux établissements publics nationaux depuis le 12.novembre 2014, est étendu depuis le 12 novembre 2015 aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics locaux ainsi qu'aux organismes de Sécurité sociale.
Apothéose de Courteline
Malheureusement, mais nous le savons toutes et tous peu ou prou : l'administration est (.comme l'Enfer.) pavée de bonnes intentions. Et il ne suffit pas qu'à l'occasion d'une conférence de presse le Président de la République annonce avec force un beau principe pour que celui-ci se réalise dans les faits.
Ainsi, en ce qui concerne l'application de la loi du 12 novembre 2013 à l'État et à ses établissements publics à partir du 12 novembre 2014, Le Monde remarque le 18 juillet 2015 que l'on compte 2 400 exceptions (.définies par 42 décrets.) sur les 3 600 procédures visées par le principe “.le silence vaut acceptation.”...
Le quotidien fait d'autre part remarquer que le dispositif conçu pour appliquer ce principe est particulièrement complexe. Citant MM. Portelli et Sueur, sénateurs, Le Monde indique que l'administré doit ainsi résoudre plusieurs énigmes : il lui faut déterminer l'autorité compétente pour transmettre son dossier, conserver l'accusé de réception ou le réclamer si celui-ci n'a pas été envoyé et connaître le régime applicable car ce régime peut s'avérer différent pour des démarches relativement proches. Par exemple, le silence vaut acceptation au bout de deux mois pour un changement d'établissement scolaire en cours d'année, mais le délai est supérieur lorsqu'il s'agit d'une inscription dans une école en dehors du secteur scolaire de résidence. À l'inverse, l'absence de réponse équivaut à un refus au bout de deux mois pour une demande d'admission aux classes préparatoires des grandes écoles. Apothéose de Courteline : l'usager confronté au mutisme de l'administration doit lui réclamer une attestation actant la décision implicite d'acceptation. Autrement dit : le fonctionnaire est au bout du compte tenu de répondre après s'être abstenu de le faire.
« Le risque de confusion paraît menaçant pour le citoyen »
L'entrée en vigueur de la loi du 12 novembre 2013 est effective depuis le 12 novembre 2015 pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics locaux. Elle a nécessité 42 décrets afin de préciser les nombreux et complexes cas réglementaires.
«.Devant cette inflation réglementaire.–.estiment Me Alexandra Aderno et Me Aloïs Ramel, avocats au Cabinet SCP Seban & Associés.–.il est permis de s'interroger sur la réussite de cette loi dont la motivation affichée était de permettre l'accessibilité des règles régissant les relations entre les citoyens et l'administration.». «.Force est de constater que le principe général du silence de l'administration gardé pendant un délai de deux mois valant décision d'acceptation se réduit à peau de chagrin.» poursuivent les deux juristes. «.Il suffit de reprendre la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé vaut décision d'acceptation, comptant plus de 113 pages, pour constater que le délai d'instruction de deux mois est désormais l'exception. Bien davantage, la loi du 12.novembre 2013 a engendré un enchevêtrement d'innombrables textes prévoyant chacun diverses exceptions ou modifiant le délai d'instruction. Le risque de confusion paraît menaçant pour le citoyen. À titre d'exemple, en matière d'urbanisme, concernant les autorisations de construire, la règle générale veut que la décision naisse en l'absence de décision expresse dans un délai de deux mois. Toutefois, ce délai est d'un mois s'agissant d'une demande de certificat d'urbanisme prévu au a) de l'article L. 410-1 du Code de l'urbanisme, délivré au nom de l'État, alors que, s'agissant d'une demande de certificat d'urbanisme prévu au b) dudit article, le silence de l'administration gardé pendant un délai de deux mois vaut décision de rejet.». > Lire sur Legifrance l'ensemble des textes concernant le principe “.le silence de l'administration vaut acceptation.”