La surveillance des HLM parisiens mise en cause
Dans un article intitulé “Les sales méthodes du GPIS, chargé de surveiller les HLM parisiens” et publié le 26 août, le site d'informations et d'investigations Mediapart met en cause le Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance responsable de la sécurité des HLM de la Capitale. Mediapart estime que le GPIS manipule les chiffres concernant ses interventions, pratique un management violent à l'égard de ses agents et s'inscrit volontairement dans une politique de privatisation des tâches jusqu'à présent assurées par les forces de l'ordre.
Le GPIS, rappelle tout d'abord Mediapart, est un Groupement d'intérêt économique (GIE) qui compte aujourd'hui quelques 200 salariés, dont 150 sur le terrain assurant de 19 h à 5 h du matin la surveillance des parties communes des HLM de dix arrondissements parisiens (soit 76.817 logements). Son budget, passé de 8 millions d'euros en 2005 à 12 millions d'euros en 2012, est financé par la Ville de Paris à hauteur de 5,9 millions d'euros ce qui, selon un rapport d'audit, représente « une contribution particulièrement généreuse ». Auparavant, la société de surveillance “Nord Sécurité Service” assurait pour 11 millions d'euros par an les tâches confiées aujourd'hui au GPIS en vertu d'un contrat signé en 1988 avec la Mairie de Paris. « Nous mettions plein d'argent dans une société sans aucune visibilité, avec du copinage et de l'achat de paix sociale » déclare à ce sujet Myriam El Khomri, adjointe au Maire de Paris chargée de la prévention et de la sécurité. « Le GPIS est un vrai apport pour nous ».
Le site d'investigations ne partage visiblement pas cette appréciation positive, puisqu'il estime que de nombreux dysfonctionnements sont apparus à la fois dans les fonctions exercées par le GPIS et dans son fonctionnement interne :
> Des rapports d'activités faussés
Selon un audit interne, 23 % des agents du GPIS ont été comptabilisés comme blessés en 2010, chiffre très supérieur à celui des policiers blessés la même année (6,5 %). Or, plusieurs agents du GPIS, affirme Mediapart, évoquent « des chiffres de blessures gonflés et des bidonnages pour faire tenir les procédures ». Un chef de patrouille explique ainsi : « Nous avons de vrais blessés, mais ça arrive que des gens se mettent un coup ou se fassent des griffures au visage. Pareil, les voitures ont toutes des bosses et des traces. On va les comptabiliser plusieurs fois, même s'il n'y a eu qu'un incident ». C'est que « les dégâts humains et matériels pèsent lourds devant les juges, surtout face à un lascar qui a déjà des antécédents judiciaires ». Les urgences médico-judiciaires (UMJ) de l'Hôtel-Dieu ne semblent pas trop pointilleuses avec les personnels du GPIS, si l'on en croit un ancien agent du Groupement : « Vous arrivez de nuit en tenue bleue marine aux UMJ. Vous dites “Nous venons d'interpeller un dealer, il m'a tapé là et là”. Les internes sont débordés et ne vont pas chercher à aller plus loin. “Tu as mal où ? À la tête ?”. Et hop, “traumatisme crânien” ! Ils signent tout ». « Dès qu'il y a un incident – déclare également un chef de patrouille – la direction est au pied de la Mairie de Paris et de Paris Habitat avec un dossier, comme quoi la violence a augmenté, qu'il faut plus d'argent, qu'il faut nous armer, etc. Mais ce sont eux [ les dirigeants ] qui provoquent en nous envoyant en sureffectifs ou en sous-effectifs sur des zones où nous risquons de nous casser la gueule ». Selon Mediapart, ce système arrangerait tout le monde. « La direction a besoin de blessés pour faire des stats et avoir son budget, et nous, ça nous fait des vacances et des dommages et intérêts » déclare ainsi un agent du GPIS au site d'informations.
> Un management particulièrement agressif
Toujours selon Mediapart, le GPIS est agité par une véritable guerre des chefs. « En octobre 2010, le directeur Gilles Viguier en désaccord avec la volonté du président du GPIS Pierre-René Lemas, aujourd'hui secrétaire général de l'Elysée, de recentrer la structure sur des fonctions de gardiennage classiques, a préféré claquer la porte. Il sera suivi par quatre autres cadres (le directeur administratif et financier, ainsi que les trois salariés de la cellule prospective et analyse). Ces derniers tirent aujourd'hui à boulets rouges sur le seul cadre de l'époque resté en poste, le directeur opérationnel Didier Desous, un ancien militaire, dont ils souhaitaient le départ. Toujours sous couvert d'anonymat, trois anciens responsables évoquent un “management par le stress”, voire carrément “une dictature” ». « Au sein du GPIS – poursuit Mediapart – la parole est difficile, les agents craignant pour leur poste, face à un directeur opérationnel capable de lancer en réunion qu'il veut se “payer un leader delta” ou “dégager” untel. “C'est un peu un régime militaire ici ” confie un syndicaliste. “ C'est assez facile de virer quelqu'un, il suffit d'avoir plusieurs rapports avec des faux témoignages ” ». Plusieurs agents ou ex-agents du GPIS confirment ainsi au site d'informations les pratiques de fausses attestations et de faux rapports « pour faire tomber quelqu'un », « les licenciements abusifs avec des motifs bidons, les pressions, un comportement malsain ».