De quoi l’encadrement est-il le nom ?
La rencontre des “cadres en mouvement” de la Ville comme si vous y étiez. L'exercice maintenant bien rodé s'est tenu dans le grand amphithéâtre de l'ENSAM jeudi dernier 17 novembre. Pendant plus de trois heures, quelques 800 personnes ont entendu une vingtaine de témoignages relatifs au rôle et à l'action des cadres au sein des services parisiens, introduits par la Secrétaire Générale et conclus par le Maire. On aura noté à cet égard une vision différente des choses, Mme Bédague-Hamilius centrant son horizon aux deux prochaines années pour terminer ce qui a été commencé, et M. Delanoë voulant dépasser cette échéance pour « rester en dynamique et en action ». Le Maire de Paris a précisé qu'il souhaitait maintenir un taux d'investissement élevé (de l'ordre de 1,7 milliard d'euros), tout en continuant à rechercher des sources d'économies, en limitant par exemple le recours aux consultants extérieurs.
Le rôle de l'encadrement. Généraliste/manager d'équipe ou spécialiste/expert, une dizaine de chefs de bureau ou de service ont pu rapporter les travaux de plusieurs ateliers sur les missions habituellement confiées aux cadres. Volonté de bien faire ou autocensure, habileté de l'animateur et timing limité ne leur ont pas permis de sortir du rôle convenu de bon élève qui leur était assigné. Ce n'est pas la qualité des orateurs qui est en cause, mais le format des tables rondes et l'enjeu personnel pour chaque intervenant qui s'exprime plus devant sa hiérarchie que devant ses collègues (ce qui rend impossible une parole libre). Les seuls intervenants en situation de s'exprimer plus librement étaient (peut-être) les secrétaires généraux adjoints (du fait de leur positionnement et de leur rang) et (sûrement) les intervenants extérieurs.
Cadres des service publics d'ici ou d'ailleurs, même combat ! À cet égard, les témoignages du directeur de la cohésion et des ressources humaines de la SNCF et de la directrice de la communication de la RATP constituaient les moments les plus intéressants de la matinée pour au moins deux raisons. Premièrement, un “effet miroir”, qui permettait à chacune et à chacun de voir qu'au-delà des différences d'organisation et de missions entre les uns et les autres, les difficultés et les attentes sont les mêmes : optimiser en permanence les moyens et les ressources, faire preuve à la fois d'initiative et de solidarité, et faire partager des valeurs communes aux équipes. Deuxième raison, une liberté de ton justement due à une expression hors du cadre habituel : lorsque vous parlez à un auditoire qui ne vous attend pas au tournant, vous pouvez évidemment dire des choses différentes...
De vraies questions ont été effleurées. Comment valoriser la carrière des cadres ? Une spécialisation professionnelle ne risque-t-elle pas de se traduire par une impasse ? Quelle place et quel déroulement de carrière donner aux cadres seniors ? Jusqu'à quel âge peut-on bouger ? À côté de l'expert ou du manager d'équipe, n'assisterait-on pas à l'émergence d'un troisième type de cadre “intégré” ou “assemblier” pilotant des fonctions supports intégrées au métier ? Faut-il inventer un modèle adaptatif ? Les débats ne manquent pas.
La Métropolisation, véritable chantier d'avenir. En pratique, où en sommes-nous des partenariats lancés avec d'autres collectivités ? Plusieurs services techniques (principalement dans le domaine de la voirie, de la propreté ou de l'assainissement) ont déjà des facilités et une habitude de travail sur un réseau plus large que le territoire parisien tel qu'il est délimité par le périphérique. Ne faut-il pas aller plus loin et envisager une mobilité des cadres vers les structures de la Métropole ? Quel en sera l'impact sur le statut et les carrières des fonctionnaires parisiens ? Là aussi, l'avenir est ouvert.
Ceux qui ont été invités... et les autres. Les cadres des administrations parisiennes sont divers. Un certain nombre de collègues, qu'ils soient en position d'activité, détachés auprès d'établissements publics ou affectés en régies autonomes, ou mis à disposition de syndicats, n'ont jamais été conviés à cette conférence. C'est un paradoxe, compte tenu de l'ouverture qu'ils peuvent apporter dans la perspective de la Métropolisation.
Le cadre et sa capacité à communiquer et à emporter l'adhésion. Au-delà de l'efficacité immédiate dans un service en production opérationnelle se dessine également la figure d'un cadre capable de mobiliser les équipes, de susciter l'adhésion, de pratiquer un management par la sincérité. La valorisation du sentiment d'appartenance et l'existence de valeurs communes à adapter localement, service par service, seraient ainsi des outils à développer pour pleinement réussir la mission d'encadrement. C'est une deuxième raison d'inviter de façon plus large l'ensemble des cadres parisiens à cette rencontre.
Du discours aux actes. Donnons au Maire de Paris le crédit de soutenir ses troupes (comment ne pas se sentir galvanisé par son amour de Paris ?) et de mobiliser chaque agent par son exigence. Une fois pris en compte cet art oratoire parfaitement maîtrisé, le retour aux réalités quotidiennes sera sans doute plus difficile. Un “bréviaire du parfait manager”, même enrobé dans un cadre agréable et servi par des gadgets à la mode (cette année : la possibilité d'envoyer des SMS en live aux orateurs) ne suffira pas. Les cadres parisiens devront faire plus avec des moyens toujours plus tendus et avec le sentiment qu'ils sont l'un des derniers remparts contre la fragilisation d'une société frappée par une crise durable.