Quand Paris Habitat fiche ses locataires
[ Dernière mise à jour le mardi 7 février 2012 ]
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a mis en demeure le jeudi 2 février “Paris Habitat” (l'office public de l'habitat de Paris) de respecter la vie privée de ses locataires. Ce sont les données enregistrées dans le fichier IKOS pour la gestion locative qui ont déclenché les foudres de la CNIL.
La CNIL a été alertée par des plaintes d'associations de locataires s'étonnant que des gardiens d'immeubles de l'OPH Paris Habitat aient accès à des données concernant la vie privée des locataires. Après enquête, il s'est avéré que des gardiens ont effectivement accès au compte locatif des personnes résidant dans les immeubles où ils sont affectés ainsi qu'à des informations relatives aux locataires d'autres immeubles de l'OPH.
Dans la zone “commentaires” du fichier que les gardiens d'immeubles peuvent consulter certaines mentions à caractère privé figurent, telles que : « alcoolique », « ancien SDF addiction boisson », « n'est pas de nationalité française », « violences conjugales », « personne très difficile à vivre, de tempérament agressif et violent, très procédurier ». Des informations relatives à la santé des locataires ont également été trouvées : « séropositif », « cancer », « cardiaque », « sous chimiothérapie », « dépression hôpital psychiatrique », « cancer des intestins, opération du cerveau ».
La CNIL demande à “Paris Habitat” de se mettre en conformité avec la loi. Elle reproche au bailleur social, qui gère plus de 120.000 logements, une série de manquements suffisamment graves pour que cette mise en demeure, première étape de la procédure de sanction, soit rendue publique. La publicité donnée à la mise en demeure permet également à la CNIL d'informer l'ensemble des locataires des droits dont ils disposent et de rappeler aux offices HLM leurs obligations concernant le respect de la vie privée des locataires. La CNIL rappelle à ce sujet que « seules les personnes travaillant au sein du service chargé de la gestion locative peuvent avoir accès » aux informations personnelles concernant les locataires.
“Paris Habitat” a deux mois pour se mettre en conformité avec la loi. Faute de quoi, l'OPH encourt de lourdes amendes pécuniaires.
Le Maire de Paris Bertrand Delanoë a demandé à tous les bailleurs sociaux placés sous sa tutelle de vérifier leurs fichiers informatiques. « Les manquements relevés à la loi Informatique et Libertés, bien qu'il s'agisse d'erreurs isolées, sont inacceptables » déclare M. Delanoë dans un communiqué.
« Il ne s'agit pas de cas isolés mais bien d'un fichage massif et précis des locataires du parc social » estime pour sa part l'opposition municipale UMP de Paris. « Nous demandons la destruction immédiate de ces données et que toute commission d'attribution soit reconsidérée sur des critères objectifs, car le doute existe sur l'utilisation de ces informations pour des attributions » déclare également l'UMP.
Lors de la séance du Conseil de Paris du 6 février, Jean-François Legaret a demandé au nom de l'UMP à Bertrand Delanoë « de saisir l'Inspection générale de la Ville de Paris afin de disposer d'un dossier complet sur cette affaire ». « Eu égard à l'ampleur des agissements – a poursuivi M. Legaret – nous vous demandons la démission du président de Paris Habitat qui est à la fois le président de la commission d'attribution du logement et votre adjoint en charge du logement. Les faits constatés sont trop graves pour qu'ils puissent rester sans conséquences ». Le maire du 1er arrondissement et conseiller de Paris a d'autre part demandé au Maire de Paris si la Ville envisageait de se porter partie civile. Yves Pozzo di Borgo, président du groupe “Centre et Indépendants” du Conseil de Paris s'est d'autre part étonné que la Ville n'ait pas « mis fin à ces dérives » alors que des locataires avaient déjà porté plainte à deux reprises.
Ainsi mis en cause par l'opposition municipale, Jean-Yves Mano, président (PS) de Paris Habitat et adjoint au Maire de Paris chargé du logement a affirmé que l'OPH « a procédé à la destruction des informations incriminées ». « Il n'y a pas de fichier organisé et la polémique va s'arrêter rapidement » a-t-il ajouté. « Ces mentions ont été enregistrées par des agents mus par une volonté bienveillante, mais qui les ont traduites de manière maladroite. Cela concerne 200 à 250 cas sur 120.000 logements ».
À noter :
L'Office public de l'habitat (OPH) de Paris est issu de l'ancien Office public d'aménagement de construction de Paris (OPAC de Paris). Il s'est doté en juillet 2008 d'une nouvelle identité : “Paris Habitat – OPH”.
Les OPH (offices publics de l'habitat) sont une nouvelle catégorie d'établissements publics HLM créée par l'ordonnance n° 2007-137 du 1er février 2007. Celle-ci a organisé la transformation de plein droit des offices publics d'habitations à loyer modéré (OPHLM) et des offices publics d'aménagement de construction (OPAC) en offices publics de l'habitat (OPH).
Les OPH sont des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Dans la Capitale, l'ancien établissement public administratif dit “Office public d'habitations à loyer modéré de la Ville de Paris (OPHLMVP) était devenu un EPIC le 30 mars 1987 et avait alors pris le nom d'Office public d'aménagement et de construction de Paris (OPAC de Paris).
En 2007, on comptait en France 800 organismes HLM dont : - 279 OPH - 284 entreprises sociales pour l'habitat (ESH, nouvelle dénomination des SA HLM) - 57 sociétés de crédit immobilier - 169 coopératives d'HLM.
Ces organismes gèrent 4.456.000 logements, soit 17 % des résidences principales.