Le “chat” mobilité : l’heure de vérité ?
Le 13 décembre dernier, Thierry Le Goff (TLG), Directeur des ressources humaines, se livrait à un exercice à la mode mais néanmoins difficile : un "chat" sur le thème de la mobilité.
Pendant une heure, sous un vrai prénom ou un pseudo, Charlotte, Alex, réaliste, sérénité, optiflex21, marquise65 et les autres ont pu poser des questions dont le nombre et la diversité dénotent l'intérêt mais aussi le manque d'informations en général. C'est pourquoi le principe de ce chat était, à l'évidence, une bonne chose !
Dans la suite du texte, vous trouverez notre analyse en bleu, orientée en regard des questionnements qui peuvent se poser dans le corps des attachés d'administrations parisiennes.
Et commençons par clarifier ce qu'est la mobilité : pour TLG, "on parle ainsi de mobilité verticale quand un agent quitte un poste pour un poste de niveau supérieur. De façon complémentaire, on parle de mobilité horizontale, ou fonctionnelle, lorsqu’un agent change de poste ou de fonction pour un poste ou des fonctions de niveau équivalent. On peut encore parler de mobilité interne, ou externe" [...].
Par niveau de poste, il faudrait savoir si on parle de grade et/ou de fonction. Dans ce dernier cas, cela nous ramène à la cotation des postes, en vogue il y a 4 à 5 ans, laissée pour compte depuis alors que Maïté Errecart nous incite fortement à discriminer les postes fonctionnels qui mériteraient d'être "requalifiés" en postes de Chef des services administratifs (CSA) avant de satisfaire de près ou de loin notre demande répétée d'augmentation du nombre de postes de CSA pour parvenir aux 10 % de l'effectif du corps. Ajoutons la nécessité de distinguer CSA et le nouveau GrAF (grade à accès fonctionnel), et voilà de quoi nous occuper pour 2013 ...
Les délais de mutations semblent être le souci de plusieurs chatteurs. TLG tâtonne : "Cette demande peut dans certains cas être différée [...]. En principe, elle ne peut être refusée ou soumise à une condition de remplacement. La seule réserve que j'émettrais est l’engagement moral que vous avez pu prendre avec votre supérieur, au moment de votre arrivée, sur la durée minimale à passer sur le poste [...] En principe, le service de départ ne peut demander à l’agent de rester plus de trois mois sur ses fonctions, à compter du jour de sa demande. Il s’agit d’une règle d’usage".
Entre les règles d'usage, les principes, les réalités, la mobilité n'était déjà pas limpide ! Mais voilà que vient s'ajouter "l'engagement moral" ! Mais que vaut un "engagement moral" lorsqu'on se rend compte en quelques semaines - allez poussons à quelques mois sinon vous passez pour un instable professionnel voire pour quelqu'un ayant besoin d'un suivi psychologique - que le poste qui nous a été présenté ne correspond pas à la réalité, n'a pas la consistance attendue, ne se place pas au cœur d'une "équipe de direction" contrairement aux mentions portées sur une fiche de poste ? Bien plus que l'engagement moral des candidats, les recruteurs ont avant tout le devoir de présenter les postes tels qu'ils sont exactement, avec leurs atouts bien sûr, mais aussi leurs contraintes, leurs zones d'ombre, que l'on est capable d'entendre et même d'accepter du moment que le choix s'opère en toute connaissance de cause ...
Quant à la règle d'usage des trois mois, chacun a en-tête un contre-exemple mais notons tout de même que cela devrait s'améliorer à l'avenir, si le mouvement annuel mis en place en cette fin d'année 2012 est renouvelé. D'ailleurs, on constate sur le mouvement actuel qu'il a pour effet d'enlever une pression aux "partants", ce qui est déjà un point positif !
D'une meilleure information générale à ... la mobilité élargie des cadres A ! A une question posée par une secrétaire administrative (qui regrette "les non-réponses ou les saugrenues, et qu'il se soit écoulé 5 ans entre ses premières recherches et leur aboutissement") mais qui fait échos chez beaucoup d'attachés, TLG assure : "Il est vrai qu’un effort doit être fait à la Ville pour mieux sensibiliser les « recruteurs » sur la procédure à suivre. Récemment, à l’occasion du « mouvement des attachés et attachés principaux », la DRH a adressé aux services proposant des postes une fiche de procédure et de conseils. Nous devons poursuivre dans ce sens. Par ailleurs, nous mettons en place des événements pour faciliter la mobilité tel que le forum des métiers [...] une deuxième édition de ce forum se tiendra le 31 janvier 2013 à la mairie du 3ème arrondissement avec un choix encore plus large de postes. Dans le même esprit, un événement « mobilité des cadres A » sera organisé au printemps avec le CNFPT (fonction publique territoriale) et l’AP-HP".
Thierry Le Goff se félicite des procédures mises en place dans le cadre du mouvement annuel des attachés tout comme - un peu plus loin - il "constate que les directions ont joué le jeu en proposant des postes réellement disponibles", ce qui peut laisser dubitatif sur les pratiques passées (et donc révolues ?).
Le bilan, auquel notre syndicat demande à être associé, nous dira si cela a suffi ... Mais c'est surtout l'annonce d'un événement mobilité des cadres A qui doit nous inciter à la fois à la curiosité et à la vigilance : cet événement sera-t-il conçu comme un "facilitateur de mobilité choisie" ? Ou serait-ce un nouveau "dada" qui sous un couvert généreux poussera certains cadres A vers d'autres horizons ? A l'heure du Grand Paris, ne soyons pas hermétiques à une mobilité hors Ville de Paris, mais commençons par valoriser les établissements publics de la Capitale (l'EP Musées, l'ESPCI, les SEM, où les candidats internes ne se bousculent pas au portillon malgré des postes réellement attractifs) !
Quand l'inertie des uns entraîne la mobilité des autres ... A Charlotte qui constate une trop forte mobilité dans certains services et s'interroge sur "Pourquoi rien n'est-il fait pour comprendre, d'une part les motivations de départ des agents, et d'autre part l'inertie des chefs de service face à ces situations ?" TLG annonce : "[...] cela peut être le fait d’une ambiance de travail qui se dégrade, ou de changements importants dans les méthodes de travail, qui parfois déstabilisent certains agents. Mais cela peut tout autant être le fruit du hasard, quand plusieurs agents d’un service ont simultanément des opportunités de mobilité, ou être lié au départ d’un encadrant apprécié, qui parvient à attirer d’anciens collègues auprès de lui, pour recréer une partie de son équipe [...]". Et TLG de conclure que "les Services des ressources humaines et les représentants du personnel sont très attentifs à ces situations !"
L'ambiance de travail - et en particulier son amélioration - ne peut pas uniquement reposer sur les SRH et les syndicats ! Chaque directeur est personnellement et pleinement responsable des méthodes utilisées dans sa direction, responsable de les laisser perdurer voire de les encourager. Les agents ne se "déstabilisent" pas si facilement, ils ont au contraire des facultés d'adaptation, ils trouvent les ressorts nécessaires ... tant que leur intégrité personnelle et leurs compétences professionnelles ne sont pas systématiquement dévalorisées ... L'une des priorités de la municipalité ne devrait-elle pas porter sur la responsabilité sociétale de la collectivité ?
Quant aux recruteurs qui "reconstituent une partie de leur équipe", certes il est honnête de le reconnaître, mais cela ne contribue-t-il pas à "l'effet réseau" que l'on essaie de limiter dans le cadre du mouvement annuel des attachés ?
Conseiller-mobilité-carrière, impact de la mobilité sur la promotion, mobilité des séniors : de faux problèmes ?
A "optiflex21" ou "réaliste", dont le pseudo permet de noter qu'ils ne manquent pas d'humour, TLG rétorque : "je crois que les agents ne souffrent pas vraiment du manque de « conseillers en mobilité », mais sont surtout parfois perdus, du fait de l’éclatement des interlocuteurs pouvant les aider à construire leur parcours professionnel". Et d'annoncer la création d'un Centre d'Information et d'Orientation pour 2013 conçu comme un "lieu de référence".
Sur la question de l'impact de la mobilité sur le déroulement de carrière, le réalisme n'empêche pas moins l'audace ! TLG : "Vous posez une question délicate. C’est vrai qu’il y a un risque, et que cela peut constituer un frein à la mobilité [...] j’attire votre attention sur la possibilité, lors de votre entretien de prise de poste, d’évoquer ce point sans tabou avec le service d’accueil. Enfin, sachez tout de même que les dossiers des agents sont suivis au niveau central, et qu’il existe une mémoire des propositions des directions. Cela permet de corriger des situations individuelles, lorsque le sujet est soulevé".
Et enfin sur les possibilités offertes aux seniors et les possibilités offertes "à des cadres ayant tenu des responsabilités importantes et que l'administration souhaite voir bouger", TLG essaie : "Oui, c’est possible, et ce doit être possible. Mais il est vrai que ce n’est pas facile, et que les services qui proposent des postes ont parfois une certaine prévention par rapport au « recrutement » des seniors. Nous avons donc fait de ce sujet l’une des questions importantes, dans le cadre de la concertation que nous avons ouverte cette année avec les représentants des personnels sur la gestion des âges et des générations [...]".
Sur ces trois aspects, Thierry Le Goff patine quelque peu mais on ne lui en voudra pas en cette veille de fêtes !
Rappelons toutefois que plusieurs collectivités et ministères sont dotés de conseillers-mobilité-carrière depuis quelques années déjà, tendance qui se confirme depuis 2009 avec la parution de la loi relative à la mobilité. Notre syndicat a déjà manifesté son souhait de voir se développer la fonction de conseiller-mobilité-carrière, et espère que la création d'une structure dédiée n'alourdira pas le caractère opérationnel ni ne retardera les délais de mise en œuvre.
Au sujet de la mobilité des seniors, la nécessité de pouvoir accéder à des postes attractifs sur la totalité d'une carrière qui ne fait que s'allonger au gré des réformes des retraites doit être réaffirmée. Thierry Le Goff , sous l'expression déguisée (n'oublions pas : les fêtes approchent) "prévention par rapport au recrutement des seniors", admet qu'il y a une certaine réticence à l'emploi des seniors. Nous attendons avec impatience le résultat de la concertation avec les organisations syndicales.
Quant à l'impact de la mobilité sur les promotions, cela fait bien longtemps que nous ne croyons plus au Père Noël ...