Publié le 27 juin 2011
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Remous à la RIVP

La Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France, saisie par Bertrand Delanoë, vient de mettre en cause la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) à propos de rémunérations très élevées versées à des chargés de mission pour des  tâches imprécises. La RIVP signale d'autre part nommément des parlementaires et des anciens ministres qui refusent de quitter leur logement social, malgré leurs revenus confortables. Jean-Yves Mano, adjoint au maire de Paris chargé du logement, juge cette situation « éthiquement intenable ».

La Chambre régionale des comptes (CRC) d'Ile-de-France, saisie en 2009 par le Maire de Paris Bertrand Delanoë, vient de découvrir que la Régie immobilière de la Ville de Paris a rémunéré au prix fort plusieurs chargés de mission pour des tâches très imprécises.

Le document de la CRC, révélé le 22 juin par le site Internet du Parisien, critique ainsi la situation du président d'une filiale de la RIVP, figurant également dans l'organigramme de la société d'économie mixte en tant que cadre, qui percevait pour ces deux fonctions jusqu'en août 2010 la somme globale de 140.000 € bruts par an (soit 11.666 € nets par mois). Selon la RIVP, ce dirigeant exerçait de plus une activité à temps partiel mais sa situation aurait été régularisée l'été dernier.

Autres cas curieux découverts par les magistrats de la CRC : celui d'une chargée de mission directement rattachée à la direction et responsable du déménagement programmé du siège de la RIVP. Celui également d'un chargé de mission travaillant depuis 1969 pour la société d'économie mixte et embauché après son départ à la retraite en juillet 2007 pour « former son successeur ». Formation apparemment lourde, puisqu'elle dure plus de trois ans (à raison de deux jours par semaine choisis à la convenance de l'intéressé) et est facturée en tout 71.360 €. « Le montant des factures montre que le montant unitaire journalier facturé augmente tous les ans » note la Chambre régionale des comptes , alors qu' «aucun document ne justifie l'augmentation régulière de la rémunération ». Après que le rapport de la CRC ait été transmis au président et au directeur général de la société d'économie mixte, l'intéressé a finalement quitté ses fonctions alors que la chargée de mission “déménagement” démissionnait au début de l'année 2011 « en raison de la difficulté d'assumer de nouvelles responsabilités de secrétaire générale d'une association caritative en même temps que sa mission à la RIVP ».

Dans un second rapport, la Chambre régionale des comptes juge d'autre part que « le taux de rotation structurellement faible à Paris » dans le domaine du logement social est en partie dû à des occupants « aisés » que « le coût des logements sur le marché privé » incite « à ne pas quitter leur logement social ». Parmi ces occupants, on trouve un certain nombre d'élus et d'anciens membres du Gouvernement.

La RIVP cite ainsi le cas de Jean-Pierre Chevènement. L'ancien ministre de l'Intérieur et sénateur socialiste loue en effet dans le 5e arrondissement un appartement de 120 m2  pour 1.271 € par mois, et ce malgré les 7.000 € mensuels qu'il perçoit pour son seul mandat de parlementaire. Le loyer pour un appartement similaire dans le parc privé se monte actuellement aux alentours de 3.000 € par mois.

Autre privilégiée : Fadela Amara. L'ancienne secrétaire d'État chargée de la politique de la Ville a conservé depuis son départ du Gouvernement un appartement de 50 m2 dans le 13e arrondissement loué 525 € par mois. Son traitement d'Inspectrice générale des affaires sociales (IGAS) lui permet pourtant certainement de consacrer une part plus importante de son budget au logement.

En 2008, la Mairie de Paris a lancé une opération “transparence” suite à l'affaire Bolufer (nom du directeur de cabinet de la ministre du logement de l'époque, Christine Boutin, qui louait boulevard de Port-Royal un appartement de 190 m2 à un prix défiant toute concurrence). L'initiative de l'Hôtel de Ville visait à encourager les députés, sénateurs, ou membres du Gouvernement à évacuer le parc social de la Ville de Paris pour aller se loger dans le privé. Mais tous n'ont pas suivi ce conseil (telle, entre autres exemples, Michèle Blumenthal, retraitée de l'Éducation nationale et maire socialiste du 12e arrondissement depuis 2001, qui occupe toujours avec son mari un logement social de 70 m2 situé fort commodément à quelques pas de sa mairie).

« Depuis que nous sommes aux affaires, nous avons voulu faire le ménage » déclare Pierre Aidenbaum, président de la RIVP depuis 2008. « Mais il y a encore à Paris des personnalités politiques qui n'ont rien à faire dans du logement social ». Elles paient « un surloyer » ajoute-t-il (mais, même dans ce cas, on constate que la location dans le parc social demeure avantageuse, puisqu'elle se situe en moyenne 20 % au-dessous des prix du marché).

Jean-Yves Mano, élu socialiste et adjoint au Maire de Paris chargé du logement, estime que cette situation est « éthiquement intenable ». Mais, explique-t-il cependant, « nous n'avons pas de levier juridique qui nous permet de retirer un appartement à une personne qui a légalement obtenu un logement conventionné sous prétexte qu'elle est élue ou que ses revenus ont grimpé ».

Les plafonds de revenus, pour être éligible à un logement social à Paris, se situent pour un couple entre 19.614 € et 42.962 €  selon la catégorie du logement.