Bienvenue dans notre grande famille !
C'est par ces quelques mots qu'un nouveau cadre est souvent accueilli lorsqu'il entre à la Ville de Paris. Tel le gendre qui fait connaissance avec sa belle-famille, le nouveau venu est alors présenté à son beau-père qui le met tout de suite en confiance (« Vous allez vous sentir bien ici »), sa belle-mère (« Voulez-vous un café euh... Je peux me permettre de vous appeler par votre prénom ? »), sans oublier l'autre gendre qui tente « Une arrivée, ça se fête ! » sous l'œil réprobateur de belle-maman (c'est sûr, c'est elle qui porte la culotte) !
Après toutes ces convenances, très vite la famille vous adopte et elle vous le prouve : non seulement elle vous tutoie et en plus, elle vous embrasse. Et comme vous n'êtes ni un ours ni une pimbêche, vous vous mettez au diapason !
Puisque vous faites partie de la famille, c'est évident : vous connaissez Sophie, Martin, Ahmed et Nicolas. En réalité, pour vous y retrouver, vous avez décidé de faire de l'arbre généalogique (pardon, l'annuaire du service) votre livre de chevet , mais non décidément c'est assommant ! L'important est de repérer avec qui vous pouvez faire alliance. Peut-être le beau-frère qui est dans la même galère ?
Quant aux horaires, tels les repas de famille, ils s'éternisent, et belle-maman vous supplie : « Mais voyons les enfants, vous n'allez pas partir maintenant, il est encore trop tôt ! ». Mais les enfants, les vrais, il faut bien aller les récupérer chez la nounou qui en a marre de faire des heures sup... Vos contraintes personnelles ? Personne ne s'en soucie. 20 heures, 21 heures, réveillonnerons-nous à Noël ?
En parlant de repas, et la pause méridienne ? Tout juste si vous ne passez pas devant le Conseil de Famille pour avoir osé poser la question. Allez, croyez-en la belle -sœur, deux compotes (sans sucre ajouté) avalées à la hâte devant l'ordi, c'est bon pour la ligne !
Enfin, quand vous avez réussi à grand peine à quitter la Maison (« Bienvenue dans notre grande Maison » étant la variante de « Bienvenue dans notre grande famille ») en ayant promis de revenir le plus tôt possible (demain), belle-maman vous a déjà laissé un message. Mais ce n'est pas pour vous dire : « Allô les enfants vous êtes bien rentrés, pas trop d'embouteillages ? ». Personne n'ignore les difficultés de transport, mais (encore une fois) vos contraintes, tout le monde s'en fiche. Non, elle veut juste vous demander si vous avez eu le temps de vous occuper du dossier ZC42 qu'Anne n'a pas pu traiter avant de partir... Elle vous avait pourtant promis que votre numéro de portable perso, c'était juste en cas d'urgence... Et vous avez eu la naïveté de la croire...
Bientôt, la suite de notre saga !
Plus sérieusement : que ce soit dans le langage, les comportements, les horaires, ou l'utilisation des outils nomades qui feront l'objet d'un article prochainement, la porosité entre vie professionnelle et vie privée est de plus en plus constatée et inquiétante pour l'équilibre personnel des agents, en particulier des cadres. Burn-out, stress, évènements familiaux (a-t-on déjà estimé le nombre de séparations ayant pour origine, même indirecte, le sur-investissement au travail au dépens de sa vie de famille, la vraie ?). Il est temps que la Ville s'interroge sur l'impact de son organisation sur la vie privée de ses personnels. Pour autant, nous considérons également que la convivialité contribue à l'épanouissement au travail, et même que le monde du travail peut apporter un équilibre et un soutien en cas de difficultés personnelles. Tout est question de dosage.