Publié le 7 juin 2016
Un OVNI statutaire : les pré-recrutements avant concours - PDF

Un OVNI statutaire : les pré-recrutements avant concours

Le ministère de la Fonction publique a présenté aux organisations syndicales, le 2 juin, un amendement du gouvernement au projet de loi « Egalite et citoyenneté ». Intitulé « expérimentation d’un pré-recrutement contractuel à finalité sociale dans la fonction publique de l’État », il permet à des jeunes sans emploi de moins de 28 ans d’être recrutés sur des postes relevant des catégories B et A afin de préparer le concours externe d’accès au corps.

Promotions-nominations-recrutements

Vers un élargissement du Pacte ?

Rappelons que le Pacte (parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d’État) permet à un jeune, peu ou pas diplômé, d’accéder sans concours à un emploi de catégorie C de la fonction publique, en vue d'acquérir une qualification en lien avec l'emploi dans lequel il est recruté, ou, éventuellement, le diplôme requis pour accéder à cet emploi. On se souvient qu’un premier projet d’ouverture du recrutement prévoyait d’ouvrir le Pacte aux agents de catégorie B, en clair : un recrutement sur un emploi de catégorie B sans concours ni diplôme. Ce projet a été retiré suite à l’opposition unanime des organisations syndicales. Ce deuxième projet, s’il diffère sensiblement du premier, dans le sens où le contrat est présenté comme une formation en alternance, à savoir une préparation au concours externe en parallèle de l’activité professionnelle, comporte trop de zones d’ombre pour emporter l’adhésion sans réserve des OS, qui ne manqueront pas d’interroger le cabinet d’Annick Girardin.

Mérites et discrimination positive

Le texte indique que la sélection des candidats s’effectue « sur la base de leurs mérites par une commission créée à cet effet comprenant au moins un représentant des organismes concourant au service public de l’emploi ou une personnalité extérieure à l’administration qui recrute » sans autre précision sur les critères retenus pour apprécier lesdits mérites. A priori, il ne peut s’agir des diplômes, quant aux curriculum vitæ, ils risquent d’être bien maigres. Pas de précisions non plus sur les modalités pratiques de sélection (sur dossier, sur entretien ?) ainsi que sur les candidats sélectionnés. À noter qu’« à aptitude égale, la commission de sélection donne la priorité aux jeunes qui résident soit dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, […] soit dans les départements d’outre-mer, à Saint Barthélémy, à Saint Martin ou à Saint Pierre et Miquelon, soit dans les territoires dans lesquels les jeunes connaissent des difficultés particulières d’accès à l’emploi». On remarque ici que le vocable « mérites » a été remplacé par celui d’ « aptitude », peut-être afin de ne pas le confondre avec la notion de mérite, bien connue dans la fonction publique, et liée  à l’engagement professionnel et à la manière de servir des fonctionnaires.  Déclinée en sujet de l’épreuve de droit du concours externe d’attaché de la Ville il y a quelques années, sous la forme « le mérite dans la fonction publique », cette notion (évoquée en quelques lignes dans les manuels) a d’ailleurs déstabilisé plus d’un candidat. 

Quelle solution en cas d’échec ?

L’année d’alternance du jeune ainsi recruté doit lui permettre, sous la houlette d’un tuteur, de préparer le concours externe d’accès au corps dont relève son emploi. En cas d’échec, le contrat peut être renouvelé d’un an seulement. En cas de réussite, le jeune sera titularisé à l’issue de la période probatoire ou de stage exigée par le statut de son corps d’accueil. Il reste à espérer que ces jeunes bénéficieront d’un parcours de formation particulièrement adapté et d’un tutorat motivant. Ils seront en effet confrontés à des candidats diplômés, entraînés par des années d’études, ayant l’habitude de passer examens et concours et bénéficiant d’un mental à l’épreuve du stress. S’ils échouent à l’issue de leur deuxième année, quel dispositif sera mis en place afin de ne pas les voir grossir de nouveau les chiffres du chômage mais surtout de ne pas les laisser découragés par une expérience sans lendemain ?

Si ce dispositif est entériné et décliné ensuite aux collectivités locales, qu’en sera-t-il au niveau de la Ville de Paris ? Peut-on enfin envisager la mise en œuvre effective de l’accord cadre âges et générations, qui permettrait notamment la mise en place d’un tutorat motivant ?

> lire l'amendement (article 23 du projet de loi Egalité citoyenneté)