Publié le 15 septembre 2015
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Principalat : un rapport qui vaut le détour

Mme Hélène Strohl, présidente du jury du principalat 2014, et inspectrice générale des affaires sociales honoraire (.c'est-à-dire en retraite.) a rédigé un rapport sur l'épreuve de sélection professionnelle qui déridera plus d'un(e) attaché(e). C'est qu'au-delà des phrases convenues sur les grandes qualités professionnelles et humaines des fonctionnaires des administrations parisiennes, ce document offre des passages involontairement humoristiques qu'un Jerome K. Jerome n'aurait certainement pas renié. Les épreuves 2015 devraient commencer le 3 novembre.

Mme Strohl ne présidera plus à partir de cette année le jury de l'examen professionnel pour l'accès au grade d'attaché principal, et c'est d'une certaine manière bien dommage. À l'instar des candidates et candidats qui, dit-elle dès la première page de son rapport, «.progressent d'une année sur l'autre.», Mme l'inspectrice générale des affaires sociales honoraire aurait en effet sans doute encore amélioré son côté pince-sans-rire en 2015 et pondu, sur sa lancée, un rapport sur l'examen du principalat plus conséquent (.l'édition 2014 n'a que deux pages.). Ce sont alors peut-être quelques passages dignes d'Ambrose Bierce que nous aurions pu savourer.

Le début ressemble pourtant à un constat d'huissier. Il rappelle la date de commencement et de fin de l'examen professionnel, la composition du jury (.une coquille mentionne en majuscules le patronyme d'un seul membre, plein feu sur lui, les autres n'ont droit qu'aux minuscules pour leur nom.), ainsi que le nombre de promouvables et le nombre de candidats entendus. Ce premier paragraphe s'achève même par un constat aussi exact qu'alléchant : «.c'est donc un candidat sur 3 se présentant qui a été reçu.». Engagez-vous, rengagez-vous...

Les choses se corsent au niveau des constats du jury (.qui, hélas, «.seront donc succincts.».) à partir du quatrième paragraphe (.“les critères de sélection”.). Si l'on peut comprendre que lesdits critères visent à «.choisir les candidats les plus aptes à assumer des fonctions d'encadrement.», à «. tenir compte des acquis de l'expérience professionnelle.» ainsi que leur aptitude à s'exprimer de façon pertinente, on ne peut qu'apprendre avec étonnement qu'ils ont également pour but de sélectionner des candidats «.prêts à affronter les évolutions inéluctables des administrations du 21e siècle.». Grands dieux ! Rien que cela ? Et Mme Strohl aurait-elle oublié que l'art de la prévision est difficile surtout lorsqu'il touche l'avenir (.comme le disait si bien Pierre Dac.).?

Toute émoustillée sans doute par cette percée conceptuelle audacieuse, Mme l'inspectrice générale des affaires sociales honoraire pousse les feux. Le jury a en effet recherché «.des candidats ayant de bonnes connaissances, une capacité d'observation et de critique et également des qualités humaines de réelle empathie et de management collaboratif.». Ce n'est pas tant le fait que c'est le Surhomme de Nietzsche ou la Wonder Woman de Charles Moulton que le jury ait apparemment tenté de pister (.il aurait eu plus de chances en cherchant le yéti.) qui nous intrigue. Non, C'est que la capacité de critique soit ainsi érigée en critère de sélection positif, lorsqu'on sait à quel point cette indéniable qualité est en pratique violemment rejetée dans nos bureaucratiques systèmes au point de devenir un vice rédhibitoire pour tout agent qui en fait (.même timidement.) preuve.

Mme Strohl (.sans doute elle-même touchée par sa référence à la «.réelle empathie.».) donne ensuite dans la mansuétude pragmatique : «.Certes, les 20 minutes d'oral peuvent sembler un temps bien court pour évaluer selon ces critères les candidats et établir entre eux une distinction.». «.Bien entendu, les candidats peuvent avoir été plus ou moins à l'aise le jour de leur oral et le jugement du jury n'a donc rien de définitif.». Rassurons-nous.C'est le premier cercle de l'Enfer de Dante que Mme l'inspectrice générale etc. préside : celui des Innocents.

Pourtant, son naturel revient au galop, et la voila qui fronce le sourcil : «.Il est vrai que quelques candidats, qui ont été moins bien notés ont fait soit une mauvaise présentation, ne réussissant pas à transmettre au jury des éléments lui permettant de les juger aptes, soit présentent un parcours un peu primesautier, sans continuité ni direction identifiables, ou, au contraire, singulièrement immobile.». Figurent aussi peut-être dans le lot celles et ceux qui ont poussé leur capacité de critique un peu plus loin que les frontières fixées (.avec une réelle empathie.) par Mme la Présidente ?

Heureusement, la fin du rapport tombe dans le happy end. «.C'est pourquoi, ce fut comme les années précédentes un plaisir de présider ce jury qui a travaillé en harmonie parfaite.» (.cette phrase a sans doute été rédigée à l'issue d'un bon repas pris en commun.).

Et surtout : «.Il faut bien sûr remercier les membres du bureau, qui ont assuré encore une fois, avec gentillesse et intelligence, l'accompagnement du jury.».

C'est vrai : ils auraient pu se taper dessus...

>  Lire le rapport de Mme Hélène Strohl, ancienne présidente du jury du principalat

>  Lire les annales 2014 de l'examen professionnel du Principalat et les statistiques DRH

 
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