Publié le 24 mai 2016
Le vieux Paris coulé dans le béton - PDF

Le vieux Paris coulé dans le béton

« Il n’est d’avenir à Paris que dans le prolongement respectueux des trajectoires du passé » écrivait naguère la Maire de Paris dans sa lettre de mission du 22 septembre 2014 au président de la Commission du Vieux Paris. Ce bel incipit n’a hélas pas été gravé dans le marbre mais plutôt coulé dans le béton. En effet, si la Maire a souhaité disposer de l’avis de la CVP dès la phase de programmation des projets touchant à l’évolution du patrimoine parisien, il s’avère que nombre de ses recommandations ne sont pas suivies.

Un avis consultatif mais qui fait autorité

Comité consultatif fondé en 1897 par le Conseil municipal, la CVP a une mission de conseil pour la protection du patrimoine parisien sur le plan historique, archéologique, architectural et urbain. Elle est présidée par la Maire de Paris ou son représentant, actuellement Bernard Gaudillère. Ses 55 membres, qui, depuis 2003, siègent pour la durée de la mandature, sont des personnalités qualifiées, nommées par la Maire, ainsi que des  élus (au nombre de 14), de tous groupes politiques, désignés par le Conseil de Paris. La CVP se réunit une fois par mois et examine notamment les demandes de permis déposées auprès de la Direction de l’Urbanisme. Les avis émis restent consultatifs mais l’expertise dont ils font preuve fait autorité. C’est ainsi que la commission a contribué à préserver des quartiers anciens de la capitale, tels que Saint-Germain-des-Prés ou le Marais.

Un avis qui fait autorité mais pas contre les bétonnières

La lettre de mission précitée comporte des ambiguïtés de rédaction qui expliquent que la Mairie de Paris passe outre allègrement à bon nombre de récentes recommandations de la Commission. L’injonction: « vous devrez pour cela équilibrer les exigences de l’harmonie et les nécessités du mouvement, parce que le patrimoine parisien est un patrimoine vivant » doit-elle être interprétée comme une demande de blanc-seing ?

La commission émet néanmoins des avis frappés au sceau du bon sens. Elle s’est par exemple opposée à la démolition de la halle Freyssinet (XIIIème arr.), sauvée par un classement du ministère de la Culture. Elle a émis un avis défavorable à l’extension des installations de Roland Garros dans l’enceinte du jardin des serres d’Auteuil, ce qui n’a pas empêché la Mairie de Paris de délivrer un permis de construire à la Fédération Française de Tennis. Les serres sont momentanément préservées par la suspension de l’exécution du permis de construire ordonnée par le tribunal administratif de Paris dans l’attente d’un jugement au fond sur la légalité du dit permis.

Pas d’heureuse issue en revanche pour un ensemble immobilier historique protégé au titre du PLU. Situé à l’angle des rues Saint-Honoré, Duphot et Cambon dans le 1er arr., il fait l’objet d’un projet de réhabilitation par Chanel. Ce programme, qui a pour but d’agrandir la surface commerciale par la réunion des trois bâtiments, ne tient pas compte des structures en place et modifie considérablement les façades extérieures. Dans son étude documentée et argumentée concernant ce dossier, la commission indique (cf le rapport de séance du 21 mai 2015 pages 20 à 24) : « une règle intangible impose au pétitionnaire d’adapter son projet au patrimoine et non l’inverse », ajoutant par ailleurs qu’une solution technique moins destructive pourrait être retenue. Cette règle n’a hélas pas de caractère intangible pour la Mairie de Paris (on se souvient de la destruction d’une partie des magasins de la Samaritaine malgré la contestation du CVP) et il est à craindre que l’uniformisation coule le vieux Paris dans le béton.

> Lire la lettre de mission de la Maire de Paris à Bernard Gaudillère en date du 22 septembre 2014 > Lire le rapport de séance de la CVP en date du 21 mai 2015

Photo : ©Bertrand Duperrin–Creative Commons-Hôtel Carnavalet-Histoire de Paris