Publié le 24 mai 2016
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Le budget de la Ville dans le viseur de la CRC

« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » (Article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen).

« Les marges de manœuvre financières de la Ville de Paris, la soutenabilité d’une stratégie » tel est le titre du rapport d’observations définitives que la chambre régionale des comptes (CRC) d’Île-de-France a rendu public le 19.mai.2016.

La CRC considère en effet que la Ville de Paris (entendue comme l’ensemble agrégé de la commune et du département de Paris) a mis en place une stratégie nouvelle et risquée afin de faire face au choc financier que constituent la réduction des dotations de l’État (soit une baisse de 591 millions d’euros -M€- entre 2011 et 2016) et l’augmentation de la contribution aux fonds de péréquations (soit une augmentation de 329 M€ pour la même période).

Ce double choc affecte négativement l’épargne brute (l’effet négatif est de 282 M€ en 2015 et pourrait atteindre 750 M€ en 2017) alors même que la capacité d’autofinancement de la Ville dans la section de fonctionnement est déjà en recul par rapport à celle des autres métropoles. En parallèle, la Ville amplifie les investissements pour la mandature 2014-2020, puisqu’elle passe d’un programme de 8,5 milliards d’euros (Mds €) à 10 Mds € jusqu’en 2020.

Un changement subtil de stratégie financière

Si la CRC reconnait que les projections financières, communiquées en avril 2015 pour la période 2016-2018, doivent être utilisées avec circonspection, elle laisse entendre que la Ville a opéré un « tournant » de stratégie financière par rapport à celle des deux mandatures précédentes. C’est ainsi que la CRC recommande à la Ville d’éviter la confusion, dans ses communications financières, entre la capacité d’autofinancement (l’épargne brute) et la capacité de financement (épargne brute dégagée dans le cadre du fonctionnement de la collectivité + recettes d’investissement issues d’opérations ponctuelles comme la cession d’actifs immobiliers). La CRC fait remarquer que la Ville « en raison de circonstances exceptionnelles et motivées » a utilisé la possibilité offerte par le décret du 27 novembre 2015, à savoir l’inscription (dès le vote du budget primitif 2016, en décembre 2015), en section de fonctionnement, des loyers capitalisés, au préalable comptabilisés en recettes d’investissement. Ces loyers, d’un montant de 354,4 M€, sont encaissables dès 2016, sans être échus, suite à une compagne de renégociation des baux emphytéotiques avec les bailleurs sociaux. Soit un abondement de 354 M€ du budget 2016 en fonctionnement. Tour de passe-passe subtil et légal qui permet à la Ville, comme le fait remarquer le quotidien Les Echos dans son article du 21 mai 2016, d’investir massivement malgré la baisse de recettes.

Un choix non moins subtil de données « atypiques »

La CRC rappelle à la Ville que l’appréciation de la soutenabilité d’une stratégie financière se fait à l’aune d’indicateurs reconnus et pas seulement en faisant appel à des données « atypiques » afin de justifier de la capacité de désendettement. Elle précise que l’agence Standard and Poors prévoit une capacité de désendettement de 22 ans en 2017, c’est-à-dire bien supérieure au seuil d’alerte traditionnel de 12 ans (durée moyenne de remboursement des emprunts pour les collectivités locales). La Ville de son côté semble s’affranchir de ces indicateurs standards, argumentant que la dette parisienne, rapportée aux recettes de fonctionnement, représenterait au maximum 75.% en 2018, ce qui encore bien inférieur à la moyenne de 85 % des plus grandes villes françaises. Notons que dans sa lettre de réponse à la CRC, la Ville se défend d’avoir opté pour une nouvelle stratégie financière et, pour bien marquer la continuité, elle précise que l’ancien Maire, Bertrand Delanoë, s’associe aux réponses apportées. > lire le rapport d’observations définitives délibérées le 26 janvier 2016 (rapport de la CRC qui inclut la réponse de la Ville en date du 18 avril 2016) > lire le décret n° 2015-1546 du 27 novembre 2015 modifiant les conditions de reprise de l’excédent d’investissement en fonctionnement