Publié le 31 mars 2015
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Heurts et malheurs du Grand Paris

La Métropole du Grand Paris (MGP) doit voir le jour dans neuf mois. Au niveau institutionnel, les choses ne vont pas sans mal, et, suite à un imbroglio politico-financier, l'Assemblée nationale a entériné le 10 mars la réduction des pouvoirs et des moyens de la future Métropole. Cet aménagement n'empêche pas une bronca d'un certain nombre d'élus locaux. Au niveau pratique, les travaux du Grand Paris Express sont sur le point de démarrer, et – plus important encore – tous les élus franciliens (y compris les élus parisiens) apprennent à travailler ensemble.

En janvier 2014, la loi Maptam créant les métropoles avait dessiné (dans son article 12) une architecture très intégrée à la Métropole du Grand Paris (MGP) qui doit être créée le 1er janvier 2016 et regroupera la Capitale et les départements de la petite couronne. Ce texte prévoyait notamment la disparition des grandes intercommunalités franciliennes et le transfert de leurs compétences et de leurs ressources à la MGP. Mais ce projet n'a pas résisté aux critiques des élus franciliens de tout bord, soucieux de préserver les EPCI et les communes (ainsi que leurs ressources). En octobre 2014, tout le monde s'était mis d'accord sur un nouveau schéma au sein de la mission de préfiguration du Grand Paris.

Deux mois plus tard, le Premier ministre Manuel Valls actait la traduction législative de ce schéma sous la forme d'un amendement au projet de loi sur la Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) modifiant l'article 12 de la loi Maptam. Ainsi, les ensembles urbains comptant 300 000 habitants au moins au sein de la MGP prendront le nom d'établissements publics territoriaux (EPT) gérés par des conseils de territoire. Ces EPT (échelons intermédiaires entre la Métropole et les communes) seront dotés de la personnalité morale et conserveront en partie la maîtrise de l'impôt local jusqu'à la fin 2020. Ils auront également la responsabilité du plan local d'urbanisme correspondant à leur zone, la MGP élaborant toutefois le schéma de cohérence territoriale (SCOT).

Ce compromis voté en première lecture le 27 janvier est cependant remis en cause le 10 mars, lorsque l'Assemblée nationale vote un amendement présenté par des députés socialistes précisant que les PLU élaborés par les EPT devront être soumis à l'avis conforme de la Métropole du Grand Paris. Pour les auteurs de l'amendement (Christophe Caresche et Razzy Hammadi), l'avis conforme de la Métropole évite « un recul important » risquant d'affaiblir « la cohérence de la politique métropolitaine en matière de logements et d'aménagement ». Ce texte provoque immédiatement la colère de Patrick Devedjian, président de Paris Metropole, qui y voit une remise en cause de l'accord accepté par le Gouvernement.

Le principal sujet d'inquiétude d'un grand nombre d'élus franciliens est en effet de voir leurs pouvoirs se dissoudre au sein d'une Métropole gigantesque. Ainsi, treize maires viennent de lancer le projet de création du territoire de la Grande Boucle de Seine qui regrouperait plus de 900 000 habitants et se poserait comme un acteur incontournable de la gouvernance de la Métropole faisant contrepoids à Paris et aux groupements voisins. Les territoires constituent un échelon intermédiaire entre la commune et la Métropole dont les contours et les compétences sont encore flous. Ils s'ajoutent aux établissements publics territoriaux, nouvellement créés. Le territoire de la Grande Boucle de Seine recouvrirait la moitié nord du département des Hauts-de-Seine, de Rueil-Malmaison jusqu'à Gennevilliers. La majorité des maires qui veulent le créer se situent à droite (on y trouve notamment Christian Dupuy, maire UMP de Suresnes, Patrick Ollier, député-maire UMP de Rueil-Malmaison et Jacques Kossowski, maire UMP de Courbevoie), mais on compte aussi parmi eux trois poids lourds de la gauche : Patrick Jarry (maire Front de Gauche de Nanterre), Patrice Leclerc (maire Front de Gauche de Gennevilliers) et Gilles Catoire (maire PS de Clichy).

Les différents épisodes de cette saga politique n'empêchent pas les choses d'avancer sur le terrain, même si le président de la Chambre de commerce et d'industrie de la région Île-de-France a poussé le 13 mars ce qu'il est convenu d'appeler un “ coup de gueule ” sur la façon dont la MGP se construit, craignant l'émergence d'une « Métropole au petit pied » ne répondant pas aux objectifs nécessaires de développement et d'attractivité économique. Ainsi, le prolongement du RER E doit être effectué cette année ainsi que le début de la construction de la future ligne 15 du métro reliant Boulogne-Pont de Sèvres à Noisy-Champs en passant par les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne. Au total, ce sont 200 kilomètres de nouvelles lignes de transport qui vont être progressivement mise en place d'ici 2027 – 2030. Ces travaux d'envergure entraîneront de profondes modifications urbaines. « Avec Paris Métropole – note d'autre part La Tribune sur son site Internet – une pratique de collaboration et d'écoute s'est mise en place : les élus franciliens ont appris à se faire confiance et Paris à ne plus se voir comme le nombril du monde ». Mais, estime La Tribune, « on trouvera [ la Métropole du Grand Paris ] “ a minima ”, “ light ”, “ inutile ” ou “ liberticide ” (...) jamais “ bonne ”. Le 1er janvier 2016, les maires la porteront donc sur les front baptismaux sans grande joie et avec la certitude que les problèmes ne font que commencer ».

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