Publié le 17 novembre 2015
Après les attentats - PDF

Après les attentats

Les désordres du monde ont frappé une nouvelle fois Paris le 13 novembre au soir sous une forme et avec une violence sans précédent. La France a connu en effet pour la première fois des attaques dites complexes, c’est-à-dire touchant différents lieux dans un laps de temps très court, et des kamikazes se suicidant à l’aide d’explosifs portés en ceintures. Le degré de violence atteint est quant à lui palpable à la lecture de l’effroyable bilan –.hélas encore provisoire.– des attentats : 129 morts et 352 blessés, dont 90 dans un état grave.

Dans un «.communiqué sur l’attaque bénie de Paris contre la France croisée.», que nous publions ci-dessous dans son intégralité, l’État Islamique revendique l’action d’ «.un groupe de croyants du Califat.» ayant pris «.pour cible la capitale des abominations et de la perversion, celle qui porte la bannière de la croix en Europe, Paris.». «.Huit frères portant des ceintures d’explosifs et des fusils d’assaut ont pris pour cibles des endroits minutieusement choisis à l’avance au cœur de la capitale française.» poursuit le communiqué. «.Le stade de France lors du match des deux pays croisés la France et l’Allemagne auquel assistait l’imbécile de France François Hollande, le bataclan où étaient rassemblés des centaines d’idolâtres dans une fête de perversité (…). Paris a tremblé sous leurs pieds et ses rues sont devenues étroites pour eux. Le bilan de ses [.sic.] attaques est de minimum 200 croisés tués et encore plus de blessés, la louange et le mérite appartiennent à Allah.».

On se rend immédiatement compte à la lecture et à l'écoute de ce document du niveau de fanatisme atteint par les tueurs, dont l’immense majorité des musulmans ne partage bien évidemment ni le vocabulaire, ni les idées, ni les méthodes.

>  Lire le  communiqué de l’État Islamique sur les attentats  (texte intégral)

>  Écouter  le communiqué de l'État Islamique  

Une étrange atmosphère régnait sur Paris samedi matin 14 novembre après cette nuit d’apocalypse, avec des magasins et des cinémas fermés et de rares passants dans les rues, les radios relayant fréquemment les recommandations de la Préfecture de Police tendant à ce que les habitants de la capitale limitent au maximum leurs déplacements. Lundi 15 novembre, la vie a repris son cours, la journée étant notamment marquée à midi par une minute de silence au cours de laquelle, contrairement à ce qui s’était passé après les attentats du 7 janvier, aucun incident n’a été constaté. Le contexte est «.complètement différent.» estime Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN UNSA, premier syndicat des chefs d’établissement scolaire. «.Il y a même plutôt eu des scènes assez émouvantes, des élèves entonnant spontanément La Marseillaise.».

Comme les Etats-Unis après le 11 septembre 2001, la France se trouve à présent confrontée à un ennemi insaisissable et à une situation complexe. Ennemi insaisissable, car l’État Islamique, s'il peut être considéré comme un État (.il a même une monnaie.), n'est pas organisé au sens où nous l'entendons habituellement. Situation complexe, car elle est issue d’un ensemble d’éléments culturels, religieux, géopolitiques qui s’entremêlent.

«.Nous sommes en guerre, et nous répliquerons de manière impitoyable.» ont déclaré François Hollande et Manuel Valls, comme l’avait dit il y a maintenant plus de quatorze ans George W. Bush après les attentats du 11 septembre. Ce discours churchillien est compréhensible et sans doute nécessaire, mais il se situe beaucoup plus au niveau de la communication qu’à celui de l’action. Les démocraties se trouvent en effet placées devant une redoutable question : comment protéger efficacement leurs citoyens et combattre les terroristes sans renier les valeurs sur lesquelles elles sont fondées ?

En ce qui concerne la France, de nouveaux modes de désignation des imams ainsi que le contrôle de leurs discours ont été préconisés. Mais cette idée trouve rapidement ses limites avec la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l’État et la conception française de la laïcité.

L’usage de la force en dehors des territoires nationaux s’est quant à lui jusqu’à présent révélé largement inopérant et contre-productif par rapport aux objectifs visés. Les interventions occidentales en Irak et en Libye ont en effet, on le voit bien aujourd’hui, largement contribué au chaos actuel dans les pays arabes en ne faisant pas qu’abattre des tyrans mais en détruisant surtout des structures étatiques qui n’ont pu être remplacées.

«.La guerre ne se gagnera pas en un an ou en cinq ans mais s’étendra sur toute une génération.» estimait samedi 14 novembre Karim Bitar, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (.IRIS.), sur BFMTV. Et de prendre pour exemple la guerre du Liban, commencée en 1975, dont les éléments étaient «.beaucoup moins complexes que la situation actuelle.», et qui a duré quinze ans.

>  Lire le communiqué des syndicats :  Face à l'horreur
Dessin : Jean-François Renaud  –  Flickr  (.Creative Commons.)