Publié le 13 septembre 2016
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Accès à l’emploi public : le concours tombe de son piédestal

Alors que le recrutement par concours, voie royale d’entrée dans la fonction publique, semble réunir tous les critères conduisant à une stricte égalité des candidats, les conclusions du rapport de Yannick L’Horty sur les discriminations dans l’accès à l’emploi public aboutissent à ce constat paradoxal : le concours ne prémunit pas contre tout risque de discrimination.

Un choc pour la ministre de la fonction publique

C’est à l’issue du comité interministériel du 6 mars 2015 sur l’égalité des chances que Yannick L’Horty, professeur à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée, s’est vu confier une mission d’étude et d’évaluation du risque discriminatoire dans l’accès à l’emploi public. Ce rapport a été présenté à Annick Girardin le 10 mai 2016, puis le 12 juillet au Premier ministre. Manuel Valls a indiqué qu’il demandait à la ministre de réviser « totalement les pratiques pour assurer à tous les mêmes chances d’accès à la fonction publique ». Précisons que cette mission porte sur des discriminations objectives (et non sur le ressenti des discriminations). En mettant à jour une réelle cause d’inégalité, elle révèle que l’administration n’est pas à même de garantir le respect de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel tous les citoyens sont « également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

Le concours dans le recrutement : une place de plus en plus réduite

Les trois versants de la fonction publique effectuent chaque année environ 500 000 recrutements de tout type parmi lesquels ¼ seulement de titulaires. Parmi ces derniers, seuls deux tiers sont recrutés par concours. Les recrutements publics par concours, du fait du développement des nouvelles voies d’accès sans concours, se réduisent donc comme peau de chagrin.

Le droit commun du concours n’est pas une protection suffisante

Pour conduire son étude, l’équipe du professeur L’Horty a composé un panel statistique de 400 000 candidats à 90 concours externes relevant de cinq ministères, suivis pendant 4 à 8 ans jusqu’en 2015. L’exploitation des données a permis de dégager de fortes inégalités dans les chances de succès des candidats. C’est ainsi qu’il est plus difficile de faire partie des heureux lauréats quand on est né hors de France métropolitaine ou quand on réside dans une ville comprenant de nombreux territoires cibles de la politique de la ville. Pour autant, les chances de succès sont plus élevées pour les personnes habitant Paris ; cela s’explique notamment par le fait que les épreuves pour devenir fonctionnaire d’État se déroulent le plus souvent à Paris et que les centres de préparation aux concours implantés dans Paris accueillent d’excellents candidats.

Les stéréotypes ont la vie dure

Selon le rapport, l’analyse des comportements discriminatoires indique que les jurys de concours sont inconsciemment influencés par des stéréotypes conduisant à des « biais évaluatifs », particulièrement  lors d’un oral, où les caractéristiques individuelles du candidat sont révélées. Un exemple d’un tel biais : « les femmes réussissent mieux à l’oral ». En outre, le risque de traitement inégalitaire augmente quand la sélectivité est grande du fait d’un faible nombre de postes ouverts au concours.

Lutter contre les discriminations pour réduire les inégalités

Les dispositions générales d’organisation des concours (égalité formelle des candidats, anonymat, indépendance du jury …) réduisent donc le risque de discrimination sans pour autant l’écarter totalement. Ce constat amène le rapport à préconiser la professionnalisation des épreuves de concours, à savoir privilégier un recrutement sur les compétences plutôt que sur le savoir scolaire. Également au programme la modification des règles de constitution des jurys afin de respecter ces trois principes : parité de femmes et d’hommes, pluralité des sensibilités professionnelles et externalité, avec des membres n’appartenant pas à l’institution qui recrute. À noter que la parité des jurys pour tous les recrutements des trois versants de la fonction publique est une contrainte légale depuis 2012 mais que son application varie selon les ministères et les concours. D’ores et déjà, certains ministères ont mis en place des dispositifs conduisant à sensibiliser les jurys aux effets des stéréotypes, à modifier le contenu des épreuves de concours et à développer des voies d’accès aménagées.